C'est
donc dans les meilleures dispositions que nous quittons Almérimar
après une courte escale réparatrice. Objectif de cette nouvelle
navigation, Javea un petit port à l'extrémité sud du Golfe de
Valencia. Ce qui permettrait de passer de la façade sud de la
péninsule ibérique à sa façade est. Et ce serait notre avant
dernière étape avant Barcelone. Mais une erreur tactique en
décidera autrement.
Depuis
le départ de Rabat, je reprenais la météo marine espagnole, en
particulier pour l'approche de Gibraltar. Il y a bien sûr un
bulletin littéral en espagnol. Mais il y a aussi et surtout une
carte interactive qui permet soit d'avoir la mer du vent et la houle,
ou le vent et la « mer totale », c'est à dire la
résultante de la mer du vent et de la houle. La hauteur de la mer
étant symbolisée par un code couleur allant du bleu foncé au rouge
et passant par toutes les couleurs de l'arc en ciel, et ce en
fonction de la hauteur des vagues. Et à l'occasion de notre
traversée vers Rota, j'avais pu constaté que sorti du bleu foncé,
c'est à dire des vagues de moins d'un mètre, la navigation devenait
musclée. En prenant la météo à Alméria, la fenêtre est bonne.
Il y a toutefois un coup de vent prévu dans la nuit précédent
l'arrivée à Javea avec une augmentation du vent à 20 noeuds des
vagues autour 1,2 mètres. Mais c'est localisé sur la Costa Blanca
au sud du cap de la Nao, celui qui doit être notre dernier cap avant
Javea. Et d'après les prévisions, cette perturbation doit se
résorber par le nord. Donc plus vite nous la traversons, moins elle
aura d'effet sur nous.
Lorsque
nous quittons Alméria en ce milieu d'après-midi, il fait beau, la
mer est belle et … il n'y a pas de vent bien sûr. Après une
tentative décevante à la voile, nous continuons au moteur. Et ainsi
de suite la nuit et le lendemain. Grand beau, pétole , moteur.
En milieu de matinée de ce deuxième jour, nous tentons une
baignade. Et c'est donc par un fond de 2090m que Grace prend son
premier bain en pleine mer. Il fait chaud et c'est le seul moyen de
se rafraichir sans vent. La glace achetée à Almérimar sert pour
les boissons et à maintenir la glacière froide. Mais elle aussi
fond.
Et
la journée se poursuit ainsi, au moteur. Deuxième bain dans
l'après-midi. Nous passons au large de Carthagène, cette belle
escale des mois de décembre et janvier. Fin d'après-midi nous
passons le cap de Palos, deuxième cap de notre périple. Et voyons
les nuages d'orages s'amasser à l'horizon. Mais ils filent vers
l'ouest et seront actif plus tard sur les terres.
Vers 20h, le vent
monte. Après plus de 30 heures au moteur, je décide de hisser les
voiles, histoire de naviguer comme un vrai voilier. Erreur tactique
majeure. Mais ce n'est qu'au milieu de la nuit, ayant quasiment fait
du sur place en 6 heures que je m'en rendrai compte.
Après le Cap de Palos. |
Après le Cap de Palos. |
Au
début , le vent monte. Certes, il souffle exactement de là où
nous sommes sensés aller. Mais la tentation de faire un bout à la
voile est trop forte. On change donc de cap pour être au plus près
de notre destination. Mais sur ce cap, nous allons droit sur des
ilots entourés de récifs. Sans eux, nous visions Alicante avec
beaucoup plus d'eau à courir. Il faut donc louvoyer rapidement. Mais
ma grand voile est toujours pas au top. Et donc impossible de garder
un cap décent. Et puis je suis proche du rail des cargos. Et bientôt
je le coupe au moment ou il y a un cargo. Il faut donc manoeuvrer
pour l'éviter. Le vent à continuer à monter, ça bouge beaucoup et
il aurait fallu fermer le génois bien avant. Mais maintenant, il y a
beaucoup trop de vent pour ça. Le bateau n'est pas ardent, et donc
je décide de continuer comme ça. Pas de cargo en vue, détecteur de
radar silencieux, je m'accorde un peu de sommeil. Au bout d'un
moment, je me réveille. Le temps est toujours mauvais, ça bouge
toujours autant, le vent est toujours aussi fort mais j'ai
l'impression que l'on avance plus. Je regarde vers l'avant et réalise
soudain qu'il n'y a plus de génois. Perdre un génois n'est pas ce
qu'il y a de plus recommandé. Mais il reste un petit triangle de
toile au pied de l'enrouleur. Je file vers l'avant et ne peut que
constater que le génois est à l'eau, côté bâbord. Il est deux
heures du matin, il y a 25 nœuds de vent et les vagues qui vont
avec. Des conditions idéales pour remonter une bonne cinquantaines
de mètres carrés. En fait c'est l'accroche sommitale («le point de
drisse » pour les puristes) qui a lâché. J'essaie de tirer
mais impossible de faire quoi que ce soit. Je suis à deux doigts de passer par dessus bord. La voile fait une sorte de
poche sous l'eau. Elle semble passer sous de bateau. Je crains
qu'elle ne se prenne sous la quille ou pis, dans l'hélice ou le
safran. Après réflexion et diagnostique ; ce qui, en pleine
nuit et par mauvais temps prends un peu plus de temps ; je réalise que
la voile est encore reliée au bateau par son accroche au pied de
l'enrouleur (« le point d'amure ») et par ses deux
écoutes. Le courant semble la déporter sous le bateau, sur le bord
opposé à sa chute. Je décide donc de la détacher de l'enrouleur
et ensuite de la récupérer par les écoutes ce qui me permettra
d'utiliser les winch pour m'aider. Il faut donc renter pour aller
chercher des outils, ressortir, mettre les écoutes en bonnes
positions pour quelles ne s'enmèle pas, les mettre sur les winchs.
Puis regagner l'avant, dévisser l'attache sans la perdre, laisser
filer le génois, refermer l'attache. Repartir à l'arrière,
constater que la voile est bien passée sous le bateau, elle flotte
maintenant entre deux eaux sur tribord arrière. Il suffira
heureusement d'un seul winch pour remonter la voile. La voilà qui
trône maintenant au milieu du cockpit. Ce n'est pas vraiment sa
place en navigation, mais c'est mieux qu'au fond de l'eau.
Il
est trois heures passées. Toujours 25 nœuds de vent, et la mer est
toujours mauvaise. « Forte» dirait un bulletin météo. Je
décide de poursuivre au moteur. Lequel démarre dans ces conditions
au quart de tour. Ouf. Il faut affaler la grand voile et ensuite
reprendre un cap. Au point, je me rends compte qu'en 8 heures nous
n'avons pas avancé d'un mille vers le nord. Bravo, belle performance
sachant que nous étions au alentour des 6 nœuds avant la perte du
génois. Grace est malade, fatiguée et n'en peut plus d'être
secouée comme un prunier.
Au
moteur par contre, nous arrivons à faire route. Au alentour de 4
nœuds, mais c'est mieux que rien. Je décide donc d'aller à
Alincante, que nous pourrons atteindre assez rapidement. Nous y
serons à 11 heures. Soulagés, fatigués.
J'aurai
donc le reste de la nuit et la matinée pour méditer sur mon erreur.
La météo réelle fut plus intense que la prévision. 20 nœuds
d'est et 2 mètre de creux prévus. La réalité fut 25 nœuds de
nord nord-est bien établis et des creux suffisamment important pour
que le bateau disparaissent entre deux murs d'eau. Donc plus près
des trois à quatre mètres que des deux. Il faudra d'ailleurs que je
coupe le pilote automatique et que je barre car non seulement les
vagues sont hautes mais elles sont courtes et croisées. Evidemment
la GoPro est déchargée. Donc pas d'images de ce coup de vent.
Dommage, car il y eu quelques moments spectaculaires.
Mon
choix « romantique » de mettre les voiles n'était pas
rationnel. Le vent venait de la direction dans laquelle j'allais. Et
sachant qu'au près il faut compter trois fois plus de temps pour
atteindre sa destination, c'était un retard assuré. Mais je n'y
pensais pas sur le moment. De plus, j'étais évidement à l’entrée
sud du coup de vent. Or c’est par le nord qu'il se résorbait. Donc
mon choix revenais à me condamner à rester dans le coup de vent. Et
c'est effectivement ce qui arriva.
Moralité :
lorsque l'on a un horaire à tenir, les décisions doivent être
cohérent avec cette contrainte.
Donc
quand on est face au vent, on reste au moteur.
Arrivée à Alicante, avec le génois dans le cockpit. L'intérieur du bateau est pas mal non plus. |
Le génois étendu sur le quai. |
Retour à Alincante. L'atmosphère est totalement différente. |
Retour à Alincante. L'atmosphère est totalement différente. |
Retour à Alincante. L'atmosphère est totalement différente. |
Merci
pour votre intérêt et à bientôt.
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